Isabel Rawsthorne est la créatrice d’une œuvre picturale secrète et méconnue. On a surtout retenu d’elle et de sa vie aventureuse qu’elle fut l’amante solaire et le modèle d’Alberto Giacometti. Francis Bacon confia qu’Isabel fut son unique amante. Elle fut encore son amie, son modèle, sa complice jusqu’à la fin. Elle posa d’abord pour le sculpteur Epstein, pour Balthus, Derain. Picasso fit plusieurs portraits d’elle sans qu’elle cède à ses avances.
À travers Isabel, son foyer magnétique et sa liberté fracassante, on assiste à une confrontation entre deux géants de la figuration, Bacon et Giacometti. Au moment même où triomphe l’abstraction dont ils se détournent avec une audace quasi héroïque. Bacon, scandaleux, spectaculaire, carnassier, soulevé par une exubérance vitale irrésistible mais d’une lucidité noire sur la cruauté et sur la mort. Giacometti, poursuivant sa quête d’une ressemblance impossible, travailleur obsessionnel jusqu’à l’épuisement. Chez Isabel, la mélancolie alterne avec l’ivresse vagabonde.
Des années 30 à la fin du siècle, telle est la destinée de ce trio passionné, d’une extravagance inédite, partageant une révolution esthétique radicale et une complicité bouleversante.Patrick Grainville est né en 1947 à Villers. En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Il a été élu à l’Académie française en 2018.
Milos vit sa jeunesse, ses études de paléontologie et ses amours à Antibes, sous l'emprise de deux peintres mythiques, Pablo Picasso et Nicolas de Staël, réunis au musée Picasso, dans le château érigé face à la Méditerranée.
Picasso a connu à Antibes des moments paradisiaques avec la jeune Françoise Gilot, alors que Nicolas de Staël se suicidera en sautant de la terrasse de son atelier, à deux pas du musée. Ces deux destins opposés - la tragédie précoce d'un côté, la longévité triomphante de l'autre - obsèdent Milos. Le jeune homme possède un regard envoûtant, d'un bleu mystérieux, quasi surnaturel, le contraire du regard fulgurant et dominateur de Picasso. Les yeux de Milos vont lui valoir l'amour des femmes et leur haine.
Le nouveau roman de Patrick Grainville est l'aventure d'un regard, de ses dévoilements hallucinants, de ses masques, de ses aveuglements. C'est le destin d'un jeune paléontologue passionné par la question de l'origine de l'homme. Milos, l'amant ambivalent, poursuit sa quête du bonheur à Antibes, à Paris, en Namibie, toujours dans le miroir fastueux et fatal de Pablo Picasso et de Nicolas de Staël.
1868-1927 : de l'invention de l'impressionnisme à la traversée de l'Atlantique par Lindbergh, un Normand établi à Étretat entreprend le récit de sa vie. Orphelin de mère, jamais reconnu par son père, il s'est installé chez son oncle, dans la splendeur des falaises, après avoir été blessé lors de la sanglante aventure coloniale en Algérie.
Sous son regard, un homme peint : c'est Monet. Pour le jeune homme, qui ne connaît rien à la peinture, c'est un choc. La naissance d'un art et d'une époque se joue là, et, dès lors, il n'aura de cesse d'en suivre les métamorphoses, guidé par deux amantes, Mathilde, une bourgeoise mariée, sensuelle, puis Anna, passionnée. Elles l'initient à Monet, présent de bout en bout, mais aussi à Courbet, Boudin, Degas, Flaubert, Hugo, Maupassant... Tous passent à Étretat ou dans son voisinage.
De la débâcle de la guerre de 1870 à la découverte de New York, de l'affaire Dreyfus au gouffre de la Grande Guerre, c'est tout un monde qui surgit, passe et cède la place à un autre. Dans la permanence des falaises lumineuses, la folie de Monet affrontant l'infini des Nymphéas. Le tout sous la plume d'un homme qui a beaucoup vécu, beaucoup ressenti, aimé et perdu.
Fresque historique vertigineuse, saga familiale et amoureuse, évocation puissante de la pulsion créatrice : avec Falaise des fous, Patrick Grainville signe son roman le plus accompli, le roman d'une vie.
Patrick Grainville est né en 1947 à Villers (Normandie). En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Falaise des fous est son vingt-sixième roman.
Le Rêve de la femme du pêcheur d'Hokusai est l'estampe érotique japonaise la plus connue. La plus énigmatique aussi. Union de la femme et de la bête marine. Scène d'hypnose, de sexe, de vigilance animale et de volupté surnaturelle. Patrick Grainville n'aborde pas le sujet par le biais d'une biographie d'Hokusaï et d'une reconstitution de son époque. Il va droit au cœur du motif et raconte l'histoire de ce couple impossible d'amantes : femme et pieuvre.
Au gré des péripéties très concrètes, affleure le sens de cette aventure inédite. C'est d'abord l'évocation réaliste d'une île asiatique, perdue dans la mer où vivent quelques villages de pêcheurs et de paysans au pied d'un volcan enveloppé de rizières... Allan, un naturaliste américain se livre à des recherches mystérieuses dans la forêt tandis qu'un moine géant et truculent passe de la peinture des paysages à celle des corps. Car tout commence par la révélation qui frappe un bel adolescent, voyeur aveuglé par la nudité d'une femme ... L'apparition, l'emprise de la pieuvre et de la passion naîtront de ce dévoilement de la beauté interdite et de sa profusion intime et sensuelle.
Voici une saga de l'Afrique moderne et légendaire centrée autour d'un " général roi " fou, véritable héros d'épopée, de western et de bande dessinée. Une guerre, une révolution, une quête du sacré s'enchaînent dans un foisonnement de vie végétale et animale. Et au beau milieu de cette folie, un jeune Écossais venu en pays yali pour s'endurcir va plonger dans la mystique du roi Tokor...
Patrick Grainville est né en 1947 à Villers, en Normandie. Il est l'auteur d'une vingtaine de romans.
" Grainville n'est pas un écrivain de murmure mais de clameurs, d'orages, de brillance, de flamboiements. "
Le Point
Prix Goncourt 1976
Les Anges et les Faucons. Il a vingt-trois ans et vient achever ses études à Paris. Il lui faudra bientôt passer de l'autre côté, chez les adultes, et le désir autant que la peur d'entrer dans la vie l'obsèdent.
Marguerite, sa logeuse manchote, se dresse au seuil de sa destinée : le jeune homme sent qu'une partie serrée va se jouer entre eux. Car Marguerite, qui a connu tant de malheurs, balance entre une vitalité tapageuse et une curiosité, presque une avidité pour la mort. Les présages fastes ou funestes, les épreuves cocasses et cruelles se multiplient. Marguerite serait-elle maléfique ?
Cependant, Anny, l'amante, Johann, un vieil homme lumineux qui pourrait être un bâtard du peintre Egon Schiele, et Osiris, le guide un peu mythomane de Notre-Dame de Paris, se révéleront secourables.
Notre-Dame rayonne au cœur de ce roman, habitée par les anges et les faucons qui nichent dans ses tours et chassent dans ses jardins nocturnes. Aiguillonnés par la découverte des signatures fascinantes de Wolf et d'Ehra sur le toit de plomb de la tour sud, Anny et son amant vont nouer avec la cathédrale une relation passionnée.
Philadelphie, 1828. Promis à une belle carrière d'avocat et de peintre mondain, George Catlin voit une délégation d'Indiens se rendre à Washington pour négocier des traités. Il est ébloui par la superbe des cavaliers. Bientôt, le peintre renonce à ses portraits de citadins huppés, il quitte sa femme, sa ville, son confort, enfourche son cheval pour galoper le long du Missouri et du Mississippi à la rencontre de dizaines de tribus. La grande prairie est vierge. Nuls colons, nuls cow-boys. Des millions de bisons. Catlin est le premier à saisir sur le vif, armé de sa palette et de son pinceau, l'épopée des Indiens. Il réalise d'inoubliables portraits, recueille une incroyable moisson d'objets, son fameux " musée indien " qui fascinera quelques années plus tard George Sand et Baudelaire.
Bison raconte le séjour de Catlin chez les Sioux, les aventures d'un village et de ses héros singuliers. L'imagination vient volontiers à la rescousse du document pour recréer, incarner le grand rêve de cet Américain sans préjugés, de ce fou d'Indiens, luttant pour sauvegarder leurs visages magnifiques et condamnés.
Patrick Grainville est né en 1947 à Villers (Normandie). En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants et en 2012 le Grand Prix Paul-Morand de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre.
L'amant de Paule, de Clo, de Léa... est possédé par la volupté de vivre. L'obsession de l'amour. S'abandonnant à ses chimères, à la chair, il accepte l'évidence de sa folie. Il évoque la tension douloureuse et jubilante du désir, les angoisses et les exubérances du lien passionnel avec un lyrisme et une lucidité sans détours. Heureux les obsédés sensuels : " Je vous salue, ô fesses !... Sœurs immaculées... "
Romancier né en 1947, à Villers-sur-Mer, Patrick Grainville est aussi critique littéraire. Ses romans Les Flamboyants (prix Goncourt 1976), La Main blessée et Le Baiser de la pieuvre sont disponibles en Points. Il a reçu en 2012, le Grand Prix Paul Morand de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
" Un classique de l'érotisme. "
Lire
" Je retrouve la violence de mon adolescence. Je vois l'hiver. Je vois l'enfant. Je vois le monde intact et rayonnant de sauvagerie. Mais dès que la fatigue me fait lever la plume, c'est contre moi que je bute, ce vieux moi mort, orphelin de la foi et de la présence... Je suis sorti du grand hiver comme on sort de l'être, du cercle de l'éternité... Blanche est la neige aimée, ma belle amante morte. "
Telle est la nostalgie du narrateur qui, la quarantaine venue, célèbre l'adolescent poursuivant renards, sangliers et pluviers dorés. Il dit sa fascination pour la forêt, la mer, la vie sauvage. C'était l'orgie, la neige, une saison pour découvrir le secret de sa naissance, les audaces et les timidités d'un premier amour.
Ici s'exalte la mémoire d'un âge libre et troublé, avec ses fractures et ses métamorphoses, la révélation de l'amitié, du sexe et de la mort, du paroxysme d'un bonheur menacé : toutes ces crises qui tranchent dans le vif de l'adolescence et nous laissent mutilés, adultes.
À la lisière de la forêt des Maures, dans un village peuplé de touristes anglais, un tigre s'échappe. Il appartient à un esthète solitaire qui, dans sa vaste demeure, reçoit les visites d'Hélène, sa complice, une jeune fille d'une nature puissante.
Louise et Luc, âgés d'à peine quinze ans, se passionnent pour la fuite du fauve, dont ils espèrent qu'il déjouera tous les moyens mis en œuvre pour le retrouver : gendarmerie, armée, zoologues, jusqu'à l'arrivée d'un chasseur rocambolesque et spécialisé...
Les deux adolescents, profitant de la relation conjugale dévastée de leurs parents respectifs, se prodiguent leur amour précoce. Mais ils sont les témoins directs de l'adultère dévorant, blessant, de la mort, de l'argent, de la perversion qui caractérisent l'existence commune. Eux jouissent du sursis d'une île de lumière. Celle qui précède les compromis, les reniements et d'autres tentations de la maturité.
Roman d'initiation et de fascination, Le Démon de la vie saisit l'été d'un âge d'or qu'il faut quitter.
Patrick Grainville est né en 1947 à Villers (Normandie). En 1976 il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants et en 2012 le Grand Prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Ce dernier Viking, Martel, poursuit un rêve étrange : vivre comme ses ancêtres nordiques une vie luxueuse, barbare et joyeusement cruelle.
Ainsi, ce paysan normand truculent et quelque peu paillard prend-il à contre-pied nos habitudes modernes d'où sont absentes l'imagination, la sensualité et la passion.
Et, comme chacun sait, les rêves les plus fous se réalisent parfois...
Le cri de Maha, c'est M. qui le provoque et en révèle l'angoisse et la beauté au moment où, au volant de sa voiture, il se rend coupable d'un acte criminel. Alors, il rêve d'élever autour de la jeune métisse, témoin et victime indirecte de son geste, un théâtre de gloire et de rédemption.
Du cri de maha naissent un chant, un disque, un spectacle. Sur la parvis de la Défense, une machine géante réunit choristes et danseurs autour de cinq mandrills, une famille de singes énigmatiques et bariolés, dans l'effervescence des lasers, de la sono, et les clameurs d'une foule fascinée.
Concerts à Londres, à Tokyo, conférences de presse, déclarations scandaleuses, une carrière de star s'annonce, atypique et fulgurante.
Cependant, Maha doit déjouer les simulacres du showbiz, les ruses de ses producteurs, les provocations de Yanne, son double obscène et somptueux. Aux prises avec sa propre violence, elle connaît la haine, l'amour et des désires contradictoires. Elle devra surtout affronter le lien obscur qui l'unit à M., amant et manipulateur, dans un combat où se joue son véritable accomplissent.
Un avion s'est écrasé dans une cité proche de paris, faisant 260 victimes. Voleur de voitures peut-être traqué par la police, Jérôme profite de l'atmosphère de fin du monde qui règne sur le quartier pour s'emparer d'une des boîtes noires de l'avion et trouver refuge chez Romane. Celle-ci vit seule dans une cité voisine et accepte d'héberger l'étrange locataire.
La ville plonge dans un mélange d'effroi et d'effervescence médiatique. Spectacle auquel participent témoins de l'accident et familles des victimes : Aiwala, un adolescent noir qui, comme Jérôme est obsédé par les noms des disparus ; et Lenny Croft, un affabulateur de haut vol, ou Pierre Damnaglia dont les lettres érotiques à sa femme sont retrouvées dans les décombres. Ces mots de l'amour arrachés à la mort diffusent une magie paradoxale au cœur même du deuil.
Romane et Jérôme vont se découvrir peu à peu, dans une intimité semée de silences, de détours, de demi-vérités, jusqu'aux aveux échangés. Chacun cache en effet son secret et sa boîte noire, comme celle qu'a volée Jérôme : car l'avion et ses voyageurs sont la figure même du destin, de ses envoûtements, de ses révélations ténébreuses ou luxuriantes.
En 2040, à la veille de ses cent ans, Aurélie a réuni sa famille pour fêter son anniversaire. L'événement se déroulera au bord d'une rivière, dans une grande maison blanche, à la frontière des Pyrénées françaises et espagnoles. Ce lieu a été, quarante ans plus tôt, le théâtre d'un rendez-vous d'amour sanglant.
Encore pleine de fougue et de magnétisme malgré les doutes et les angoisses de l'âge, Aurélie veut célébrer le triomphe de sa longévité et de sa vie aventureuse devant sa soeur Mélanie, Emma, sa belle-soeur, sa petite-nièce Ariane et surtout Loïc, son petit-fils qu'elle adore. Mais l'aïeule, qui a toujours aimé les éclats, leur a préparé un coup de théâtre. Le jour de l'anniversaire, une inconnue dévorée de colère et de passion surgit du passé meurtrier pour régler ses comptes avec la famille.
Séductrice et prédatrice, la belle justicière met toute la tribu à l'épreuve, et surtout cette Aurélie qui la fascine et qu'elle voudrait haïr ... Lucifer, le loup banni par sa meute, Fatou, la gouvernante malienne, Maher, le passeur d'immigrés, et Nicolas, le gardien de la réserve animalière voisine, participent à ce dialogue, à cette guerre et à cette fête des femmes.
Tel est le printemps des cent ans d'Aurélie, bouillante et lucide en ses défis, ses deuils, sa joie souveraine.
Il a libéré la Côte-d'Ivoire du colonisateur. Il a été le révolutionnaire, le Père fondateur, le Président à vie. Il a régné pendant quarante ans, jusqu'à sa mort. C'est Houphouët-Boigny, et c'est le narrateur du livre. Du ciel, il contemple et commente sans relâche son village natal, Yamoussoukro, dont il a fait la capitale de son pays et où il a bâti la plus grande basilique du monde, une réplique de Saint-Pierre de Rome ! Et pas question qu'on ternisse son épopée.
Mais, sur terre, Sylvanus complote contre la mémoire du vieux chef : écrivain turbulent, il se moque de la cathédrale. Un jour, il découvre l'existence d'un albinos mystérieux, un Nègre blanc, le bouc émissaire que jadis on sacrifiait dans le lac des crocodiles.
Qui cet albinos fascinant et caché ?
Dans un parc animalier, une poignée d'Africains et de Blancs – parmi lesquels Thérèse et Assioussou, les amants sans mesure – défendent avec les moyens les plus extrêmes leur royaume sauvage contre les manigances du tourisme industriel. Eux aussi vont se passionner pour l'Albinos : le retour de l'exclu, du sans-peau, de l'écorché, de l'innommable, c'est celui d'une vérité maudite qui vient bouleverser l'ordre et la légende du tyran éternel.
Thomas, professeur de langues à Shenzhen, la mégapole chinoise, constate un matin la fugue de sa fille après une dispute où elle l'a accusé d'être un mauvais père. Il part à la recherche de la rebelle dans les dédales de la cité vertigineuse, laboratoire et emblème du nouveau capitalisme chinois. Le roman nous offre alors le portrait de cette ville champignon, capitale du simulacre et de la copie. Théâtre où se mêlent, dans un creuset explosif, milliardaires provocants, classe moyenne effervescente et millions d'immigrés pauvres de l'intérieur... A la croisée de toutes les passions, de toutes les errances, de tous les trafics, des crises sociales et des mélancolies privées règne Lan, mélange de magnat, de médiateur, de manipulateur d'une séduction ténébreuse. Il cache, avec malice, au fond de la tour de son hôtel, un secret immense...
Patrick Grainville est né en 1947 à Villers (Normandie). En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Le Corps immense du président Mao est son vingt-troisième roman.
Au centre de l'aventure, Hélianthe, obsédante Diane chasseresse dont la disparition, les hypothétiques résurrections, les désordres et les sortilèges hantent tout un village. Pour le narrateur, peut-être ne reste-t-il plus d'elle que le souvenir d'un corps minutieusement célébré, et la présence de cette autre Diane, superbe setter roux auquel il voue un culte voluptueux. Mais pourquoi ce narrateur est-il aveugle ? Et que sont pour lui Judith et Christophe, les deux adolescents qui accompagnent son errance ?
L'estuaire d'un fleuve de Normandie, carrefour d'échanges, effervescent théâtre d'apparitions multiples, seuil de toutes les légendes, est le lieu où s'inscrit la quête du narrateur, parmi monstres, éphèbes, filles et bêtes.
Quel mal frappe soudain cette main de l'écrivain qui ne peut plus écrire ? Crampe professionnelle, paralysie, diablerie, délire du corps ? Quelle mémoire de la douleur ? Un symptôme révélateur qui rameute les vieux conflits, toutes les angoisses au tournant de l'amour et de la vie.
Nur, l'Égyptienne qui vit en France depuis qu'elle s'est séparée de Balkis, son amante restée au Caire, ne peut entretenir avec le narrateur qu'une relation ambivalente, faite de compromis érotiques. Nur est surtout une cavalière qui voue une passion à son alezane, Melody Centauresse.
Par-delà toute une série de tentatives thérapeutiques aussi aléatoires que rocambolesques, ce sera, justement, grâce à la présence vitale et sensuelle des chevaux que l'amant tiraillé trouvera le moyen de soigner sa blessure, de la panser, en quelque sorte ! Il engage une cure d'intimité avec les robes brunes ou dorées, les encolures et les crinières, leur parfum obsédant... C'est un paradis prodigieux dont la vision centrale est l'amante montée sur sa jument nue. Telle est la double héroïne du roman, sa figure séductrice et gémellaire.
L'histoire de Noir Titus, le pur-sang meurtrier et caché, apporte un surcroît de maléfice et de fascination dans cet univers où tous les personnages sont autant de complices qui finissent par confier leurs désirs, leurs écarts, les déchirures et les désarrois de leur vie. Danse avec les chevaux pour conjurer la main du destin.
Les plus grands auteurs contemporains ont écrit pour le magazine Playboy. Mais la presse étant fugitive, leurs petits chefs-d'oeuvre ont été fixés dans cette collection qui perpétue le plaisir de les lire. Images du désir est présenté par son auteur lui-même : "Coutumier des gros romans de 400 pages - comme on l'est des long-courriers -, j'avais depuis longtemps le désir d'une escapade dans des textes plus brefs et plus libres écrits pour un journal qui ne soit pas spécifiquement littéraire. Playboy, en publiant au cours d'une année mes nouvelles dans différents numéros, m'offrait l'occasion d'une école buissonnière. C'est donc par jeu que j'ai écrit ces textes réunis aujourd'hui. Loin de tourner le dos à mon baroquisme caractériel, j'ai cédé à mes plus doux péchés d'écriture et à mes plus chers fantasmes. En relisant les trois premières nouvelles, je me suis aperçu que j'étais évidemment comme tout écrivain masculin, bon gré mal gré, un affreux, un complaisant phallocrate. La femme devenait, dans mes jeux, objet des plus voluptueuses variations. Objet ! Le mot rendait ma culpabilité criante. Dans un retournement soudain, mon quatrième texte fit la satire des trois premiers. Succombant sous une avalanche d'insultes et de quolibets, l'horrible phallocrate doit céder aux conditions exigées par un flamboyant quarteron de filles vengeresses. Les Belles triomphaient de cette Bête insupportable et majuscule : l'écrivain dont la femme est l'inspiratrice. Les filles, d'abord réduites à la pose où à la danse pour la volupté de l'artiste, se coalisaient en un final jubilant et canardaient la Bête à boulets sanglants". P. Grainville
Dans un grand jardin au sud de Paris, mêlé aux étudiants de toutes les nations, le narrateur se livre aux joies raffinées de la contemplation des jeunes filles. Des Africaines, des Suédoises, des Japonaises font de la gymnastique sous ses fenêtres, s'ébattent sur les pelouses et dans la piscine. Au cours de longues promenades dans Paris, vers le Panthéon, vers la Seine, les chevelures féminines répandues sur les épaules, les manteaux de fourrure, forment des toisons qui lui inspirent des transcriptions poétiques, et l'entraînent vers une étrange rêverie surréaliste, où les femmes et les animaux se confondent parfois. De cette ronde féminine se détachent trois silhouettes : Jana, longue, brune, secrète et farouche, l'accompagne dans la ville ; Lise, une jeune Normande du pays d'Auge, opulente, est l'amie des randonnées campagnardes et maritimes, des parties de chasse ; enfin, Laura est une jeune écolière vosgienne, d'une enfantine spontanéité, rencontrée au bord d'un lac montagnard. Le narrateur voudrait être avec Jana à Paris, partir pour la montagne avec Laura, se réfugier au bord de la mer avec Lise. Ses évocations érotiques alternent avec des scènes de chasse : fasciné cette fois par les toisons animales, le narrateur s'enivre d'une ambiance brutale et pure. Une révolution en hiver dans la neige, un Paris insolite envahi par les troupeaux de biches, de cerfs, martelé par les bottes des policiers, l'aident à percer le secret de Jana et à découvrir ses préférences.
Les plus grands auteurs contemporains ont écrit pour le magazine Playboy. Mais la presse étant fugitive, leurs petits chefs-d'oeuvre ont été fixés dans cette collection qui perpétue le plaisir de les lire. Images du désir est présenté par son auteur lui-même : "Coutumier des gros romans de 400 pages - comme on l'est des long-courriers -, j'avais depuis longtemps le désir d'une escapade dans des textes plus brefs et plus libres écrits pour un journal qui ne soit pas spécifiquement littéraire. Playboy, en publiant au cours d'une année mes nouvelles dans différents numéros, m'offrait l'occasion d'une école buissonnière. C'est donc par jeu que j'ai écrit ces textes réunis aujourd'hui. Loin de tourner le dos à mon baroquisme caractériel, j'ai cédé à mes plus doux péchés d'écriture et à mes plus chers fantasmes. En relisant les trois premières nouvelles, je me suis aperçu que j'étais évidemment comme tout écrivain masculin, bon gré mal gré, un affreux, un complaisant phallocrate. La femme devenait, dans mes jeux, objet des plus voluptueuses variations. Objet ! Le mot rendait ma culpabilité criante. Dans un retournement soudain, mon quatrième texte fit la satire des trois premiers. Succombant sous une avalanche d'insultes et de quolibets, l'horrible phallocrate doit céder aux conditions exigées par un flamboyant quarteron de filles vengeresses. Les Belles triomphaient de cette Bête insupportable et majuscule : l'écrivain dont la femme est l'inspiratrice. Les filles, d'abord réduites à la pose où à la danse pour la volupté de l'artiste, se coalisaient en un final jubilant et canardaient la Bête à boulets sanglants". P. Grainville
Je suis parti dans l'histoire de Lucien sans savoir où j'allais. D'habitude je suis plus armé, plus prévoyant. J'aime assez les plans, les cartes, les constructions mûries, les stylos de couleur, les provisions de mots riches et chauds. La surprise fut de voir le récit s'enfuir d'un coup, comme porté par l'urgence et le dénuement. Lucien, un beau jour, quitte son amante Mona, sa maison, la lumière et la douceur. Il se dépouille pour suivre des empreintes mystérieuses inscrites dans son jardin. Ombre de bête ? Sabot, griffe ou corne ? Lucien est littéralement happé, sans doute par la meute intime de ses loups. Il rencontre des jouets d'enfants qui l'effraient, traverse un marais fourmillant, une forêt, un fleuve, une église... un désert... Or le voilà vêtu d'un pagne, pourvu d'une épée rouillée comme quelque chevalier déchu, errant. Une horreur diffuse et fascinée imprègne chaque étape du voyage. Tour à tour voyeur ou acteur frénétique, Lucien noue avec les êtres et les choses des relations impulsives et boulimiques. Il s'abîme au fond d'une solitude sans nom. On ne sait quelle fatalité, quel envoûtement le pressent ainsi tout au bout de l'exil et de la douleur. Et c'est comme si Lucien gémissait d'avoir perdu le monde et l'amour pour l'ombre d'une bête, pour une déchéance fantastique, une révélation au plus noir de lui-même. J'ai toujours été subjugué par les métamorphoses, les avatars sauvages du désir et de la peur. Emane de la Bête une ombre rayonnante qui peut anéantir ou sauver. Patrick Grainville
Depuis dix ans, je passe presque chaque jour devant les tours de La Défense. Ce cosmos moderne et mathématique me semblait imprenable. Il me faisait peur. Invinciblement pourtant m'attiraient ces icebergs et ces miroirs où peu à peu je voyais affleurer les personnages, les mythes et les superstitions du troisième millénaire. Explorant ce quartier, je découvris des tunnels, des coursives, des chantiers, des caves, des parkings, ramifications dignes des Mystères de Paris. Peut-être ai-je rencontré Esmeralda et Quasimodo dans ces notre-Dame faussement transparentes.
J'imaginai une jeune femme au coeur du labyrinthe : Elodie était sculpteur et construisait un mobile infini. Il me fallait une bête (je ne puis écrire que sous cette emprise) ; les confidences d'un jeune Zaïrois me révélèrent l'existence d'un monstre dont plus tard divers documents m'attestèrent l'apparition au fil des siècles : un roi des rats. Ce serait l'idole barbare des gosses de La Défense, bande d'enfants-pirates de diverses races qui vivait dans les parkings.
Raphaël, un banquier inventif friand d'adolescentes, et Chandor, un médecin de nuit équivoque, nouaient des intrigues et entretenaient des énigmes autour d'Elodie et des enfants. Elodie et Chandor avaient choisi l'épreuve et l'aventure d'une longue convoitise... Tandis que j'écrivais, la planète redoutait un désastre. Un cercle d'angoisse et de désir enveloppa mes pures citadelles. Désormais, j'étais entré dans l'histoire véridique et légendaire des tours de La Défense.
Patrick Grainville
Simon effectue un reportage pendant l'été sur un site préhistorique du Sud-Ouest : une caverne célèbre où a été découvert le crâne d'un ancêtre de 500 000 ans ! Et c'est le visage du plus vieil Européen qu'il va traquer. Il fréquente l'équipe chargée des fouilles, observe la vie d'un village que hante le chasseur immémorial. Myriam, une jeune Camerounaise dont le rôle consiste à dessiner, à partir des ossements, la physionomie supposée du pithécanthrope, attire Simon. Le couple est entraîné dans un tourbillonde fringale sensuelle. Un terroriste échappé des prisons espagnoles erre dans la garrigue environnante où s'embusquent de multiples présences et s'échangent des signaux clandestins: lynx qui rôde, campement de motards dont la reine, Paloma, une rousse virulente, est l'amante de Line.
Le paysage creuse ses gorges et ses grottes dans des blocs de calcaire, sous la griffe d'un soleil immuable. C'est là que se ramassent encore les galets taillés par la main émouvante des premiers hommes. Agathe, une vieillarde lucide, sorte de commère cosmique, n'aspire qu'à totaliser la mémoire des lieux et des gens.
Sur tous ces êtres harcelés, voyeurs et vagabonds, sur ces amants cramponnés dans le lit tari des rivières, ce terroriste, ces limiers, ces motards, ce lynx, cet ermite, cet aubergiste sensuel et sage - là-dessus veille la grotte, oeil souverrain, bouche prophétique, ventre cannibale où dorment les millénaires et les énigmes les plus rouges de la mémoire. Notre visage primitif émerge lentement de ces linges d'argile et de pierrer et nous regarde, délié du temps, dans une extase immobile.