La crise des démocraties est devenue un lieu commun. Partout dans le monde, et malgré les histoires et cultures politiques spécifiques de chaque pays, on assiste aux mêmes phénomènes : défiance face aux institutions, malaise dans la représentation, abstention record ou clientélisme lors des élections, multiplication des revendications de droits individuels, haine du pouvoir élu... Olivier Mongin reprend à nouveaux frais la question démocratique en s'inquiétant de ce qu'il diagnostique comme la disparition du politique. Les institutions ne garantissent plus le lien social, elles provoquent au contraire inégalités, divisions et violence. En « bas » comme en « haut », chaque plan est soumis à des contradictions insolubles, à des apories théoriques et pratiques qui imposent une nouvelle réflexion sur les médiations possibles. Alors que l'individualisme devient toujours plus radical, que l'étranger et le migrant sont perçus comme des dangers pour l'identité nationale, que le contrôle des citoyens et la violence policière s'aggravent, que les pouvoirs autoritaires et illibéraux surfent sur la vague populiste, ce livre cherche comment refaire de la politique en démocratie. Grand lecteur de Paul Ricoeur, Olivier Mongin trouve une source féconde dans sa pensée du pluralisme démocratique comme dépassement du « paradoxe politique » : source de violence, le politique est aussi, doit être, foncièrement, projet de réduction de la violence.
Directeur de la revue Esprit de 1988 à 2019, Olivier Mongin a été éditeur au Seuil et chez Hachette. Il co-préside l`association Paul Ricoeur à Paris. Il a publié entre autres une trilogie des passions démocratiques, des ouvrages sur la vie intellectuelle et politique, sur Paul Ricoeur, sur le cinéma, et sur l'urbanisation.
Préface de Frédéric Worms
La couleur des idées
Avec la mondialisation, nous voilà projetés dans l'" après-ville ", dans le " post-urbain ". En Europe, nous étions habitués à voir la ville comme un espace circonscrit dans lequel se déroule une intégration civique des individus... Nous voici maintenant confrontés d'un côté à des métropoles gigantesques et sans limites, et de l'autre au surgissement d'entités globales, en réseau, coupées de leur environnement. La reconfiguration en cours suscite l'inquiétude : allons-nous assister au déclin irrémédiable des valeurs urbaines qui ont accompagné l'histoire européenne ? La fragmentation et l'étalement chaotique vont-ils inéluctablement l'emporter ? Sommes-nous condamnés à regretter la polis grecque, la ville de la Renaissance, le Paris des Lumières, les grandes villes industrielles du XIXe siècle ?
En rappelant les éléments distinctifs qui composent l'expérience urbaine, Olivier Mongin pose les fondements d'une réflexion d'aujourd'hui sur la condition urbaine. Nous vivons à une époque où l'information s'échange immatériellement selon des flux plutôt que dans des lieux : comment, dans ces conditions, refonder des lieux urbains accordés à notre temps ?
Ce livre est la première synthèse complète de l'œuvre d'un des plus grands philosophes de ce temps.
"J'ai tenté de répondre dans cet ouvrage à un double objectif afin de mettre en valeur la "présence contemporaine" de Ricœur. Tout d'abord j'ai voulu souligner la cohérence profonde de l'œuvre : en dépit des réaménagements conceptuels, des détours inattendus, des discussions, des convergences et divergences affichées, celle-ci forme un ensemble d'autant plus rigoureux que les interrogations initiales demeurent tout au long d'un parcours sinueux qui peut laisser croire au lecteur pressé que Ricœur est avant tout un ogre de lecture.
Ensuite, comme ses commentaires mettent en scène des "conversations", je me suis efforcé de procéder de même : d'où l'option délibérée de le mettre en lice, de l'opposer à ou de le rapprocher d'autres auteurs, ceux qu'il a discutés frontalement mais aussi ceux qu'il ignore, volontairement ou non. J'ai épousé à l'occasion son propre rythme, oscillant entre la lecture serrée d'un texte et des interprétations plus libres." O.M.
Après la dénonciation sans appel du totalitarisme soviétique, et la preuve par le goulag en 1976, puis l'écroulement du mur de Berlin en 1989, beaucoup d'intellectuels se sont trouvés désorientés, comme décrochés d'une histoire dont le sens leur échappait. Le nouveau rôle social des médias a accentué ce malaise, en excluant bien souvent les intellectuels des moyens d'expression de leur propre savoir. Rendre compte, à chaud, d'une histoire dont les effets ne sont pas totalement déployés, est la gageure que tente ici Olivier Mongin. Il ne propose ni une histoire exhaustive des intellectuels, ni une sociologie des clercs, mais un état des mutations de la pensée contemporaine en France, sans négliger les courants esthétiques et littéraires. Ce panorama, nourri d'une abondante bibliographie, est aussi une présentation critique des pensées novatrices, qui se font jour face au scepticisme ambiant, et des écoles, des lieux, où celles-ci s'élaborent et se diffusent. Cet essai est sous-tendu par une thèse : le désenchantement démocratique, qui prévaut aujourd'hui, reflète l'épuisement de la polarisation entre le singulier et l'universel, qui structurait la communauté intellectuelle française depuis la Déclaration des droits de l'homme. Sans « vision du monde », l'intellectuel ne peut plus remplir une de ses fonctions, donner du sens à l'histoire. Est-il, pour autant, condamné à disparaître ? Olivier Mongin refuse cette éventualité : pour lui, la démocratie n'avance, et ne se renouvelle, qu'avec des idées, donc des débats et des confrontations. Et il faut, pour cela, des « passeurs » et des « éveilleurs » : telle est la mission de la nouvelle figure que l'auteur appelle de ses voeux, celle de « l'intellectuel démocratique ».
Après la dénonciation sans appel du totalitarisme soviétique et la preuve par le goulag en 1976, puis l'écroulement du mur de Berlin en 1989, beaucoup d'intellectuels se sont trouvés désorientés. Rendre compte à chaud d'une histoire dont les effets ne sont pas totalement déployés est la gageure que tente ici Olivier Mongin.
Après la dénonciation sans appel du totalitarisme soviétique et la preuve par le goulag en 1976, puis l'écroulement du mur de Berlin en 1989, beaucoup d'intellectuels se sont trouvés désorientés, comme décrochés d'une histoire dont le sens leur échappait. Le nouveau rôle social des médias a accentué ce malaise, en excluant bien souvent les intellectuels des moyens d'expression de leur propre savoir. Rendre compte à chaud d'une histoire dont les effets ne sont pas totalement déployés est la gageure que tente ici Olivier Mongin. Il ne propose ni une histoire exhaustive des intellectuels ni une sociologie des clercs, mais un état des mutations de la pensée contemporaine en France, sans négliger les courants esthétiques et littéraires. Ce panorama, nourri d'une abondante bibliographie, est aussi une présentation critique des pensées novatrices qui se font jour face au scepticisme ambiant, et des écoles, des lieux où celle-ci s'élaborent et se diffusent. Cet essai est sous-tendu par une thèse : le désenchantement démocratique qui prévaut aujourd'hui reflète l'épuisement de la polarisation entre le singulier et l'universel, qui structurait la communauté intellectuelle française depuis la Déclaration des droits de l'homme. Sans " vision du monde ", l'intellectuel ne peut plus remplir une de ses fonctions, donner du sens à l'histoire. Est-il pour autant condamné à disparaître ? Olivier Mongin refuse cette éventualité : pour lui, la démocratie n'avance et ne se renouvelle qu'avec des idées, donc des débats et des confrontations. Et il faut pour cela des " passeurs " et des éveilleurs " : telle est la mission de la nouvelle figure que l'auteur appelle de ses voeux, celle de l'" intellectuel démocratique ".
On nous répète à satiété que la crise des idéologies et des valeurs nous a fait entrer dans l'ère du vide et des simulacres ; et en un sens, c'est vrai. Mais pouvons-nous éternellement nous complaire dans cette célébration de l'épuisement ?
Ce livre propose de traverser le vide - pour aller au-delà. Le traverser, c'est d'abord accepter de le voir, sous toutes ses formes, dans notre imagerie collective : dans le désert des publicités, dans celui du Club Méditerranée, voire dans les profondeurs du Grand Bleu...
C'est aussi prendre la mesure que le discours politique, pris en étau entre les incantations morales (droits de l'homme) et les appels au rendement (glorification de l'entreprise et du marché), s'est évaporé. De sorte que l'individu, ne se sentant plus citoyen, se perçoit désormais seulement comme une victime potentielle (des autres, des marginaux, des étrangers, qu'ils vivent ici ou ailleurs).
A quelles conditions une nouvelle citoyenneté est-elle possible ? C'est la question à laquelle ce livre tente de répondre. Il faut sortir de la glorification atone de la démocratie et refonder celle-ci en intégrant le négatif, la souffrance des exclus, le rôle des différences, la nécessité des conflits, et les blessures de l'histoire.