La Table Ronde prépare sa rentrée
De Saïgon à la forêt de l'Altiplano, en passant par les fragments et chroniques journalistiques du XXe siècle, les Éditions de la Table Ronde font de la rentrée un temps du dépaysement et de la mémoire.
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Alors qu'un typhon dévaste l'Île-de-France, l'éditeur Alexandre Garnier contemple le cataclysme meurtrier depuis son bureau, rue de l'Odéon : une rivière de boue coule sous ses fenêtres, des rats surgissent des égouts. Le passé aussi remonte à la surface. Devant ce spectacle de fin du monde, Garnier se souvient de sa jeunesse et surtout de son ami, le poète Adrien Vivonne, auteur entre autres de Danser dans les ruines en évitant les balles. Garnier a publié ses livres avant que celui-ci ne disparaisse mystérieusement en 2008, il y a presque vingt ans.
Qu'est devenu Vivonne ? Partout en Europe, la « balkanisation climatique » sévit et les milices s'affrontent tandis que la multiplication des cyberattaques fait craindre une Grande Panne. Lancé à la poursuite de Vivonne, Garnier essaie de le retrouver avant que tout ne s'effondre. Est-il possible, comme semblent le croire de plus en plus de lecteurs dans le chaos ambiant, que Vivonne ait trouvé un passage vers un monde plus apaisé et que la solution soit au coeur de ses poèmes ?
Né en 1964 à Rouen, Jérôme Leroy est l'auteur de plus de vingt romans, recueils de nouvelles et de poésie, parmi lesquels Le Bloc (Prix Michel Lebrun 2012) et L'Ange gardien (Prix Quai du Polar 2015) en Série Noire. Il a publié à La Table Ronde Un dernier verre en Atlantide (2010), Jugan (2015), Un peu tard dans la saison (2017) et Nager vers la Norvège (2019). Les Jours d'après (2015), Monnaie bleue (2009), Comme un fauteuil Voltaire dans une bibliothèque en ruine (2017), La Minute prescrite pour l'assaut (2017) et Le Cimetière des plaisirs (2019) ont paru dans la collection La Petite Vermillon. -
' Un morceau de Donna Summer l'électrise et le sort de sa rêverie. En bas, au fond de la scène, derrière les décors, il aperçoit Fabrice qui traverse la piste. Il se souvient de leur rencontre, quatre ans plus tôt, une nuit de réveillon, au Sept, un club chic et gay de la rue Sainte-Anne, ouvert par Fabrice en 68. Il avait fait l'effort de se raser et de se laver les cheveux, de passer une veste de smoking croisée blanche, très propre, sur un pantalon en cuir noir à peu près net - même s'il gardait au niveau de l'entrejambe le souvenir acide du vomi du bassiste d'un groupe punk gallois aimé une nuit au Gibus -, un oeillet rouge à la boutonnière, une chemise noire repassée et un noeud papillon blanc immaculé. '
Adolescent, Alain Pacadis se passionnait pour les batailles napoléoniennes. Comment ce timide fils d'immigrés, vivant seul avec sa mère rue de Charonne, est-il devenu l'icône glam-punk qui signait les chroniques gonzo de Libé depuis 1975 ? Comment le jeune Alain, peu après sa première manif en 68, a-t-il franchi les portes du Palace et des Bains Douches, escorté par une joyeuse bande de freaks ? Davantage que le journaliste, c'est un personnage de roman que nous révèle Charles Salles, soulevant pour nous ce rideau de paillettes et d'extravagance. -
En 1963, à peine arrivée à Saigon, Patricia, jeune Irlando-Américaine, assiste à sa première gardenparty où elle rencontre Charlene, mère de trois enfants dont la petite Rainey. Celle-ci est très fière de lui montrer toutes les tenues de sa poupée Barbie, mais il en manque clairement une - un áo dài, que Lily, la fille de maison et couturière hors pair, lui confectionne sur-le-champ. L'idée ravit Charlene, lui inspirant unprojet de collecte de fonds qu'elle nomme la Barbie saïgonnaise. Une opportunité pour Patricia de se lier d'amitié avec cette femme charismatique, pilier de la communauté d'épouses américaines où, en marge de la guerre, règne une légèreté trompeuse faite de réceptions exotiques et de bonnes oeuvres.
Soixante ans plus tard, Patricia, désormais veuve à Washington, raconte à Rainey cette période si particulière de sa vie dans une longue lettre aux allures de confession et de réflexion sur le rôle des femmes expatriées pendant la guerre, alors qu'à l'époque son unique préoccupation était de fonder une famille à l'image de celle de son amie.
C'est une fois de plus par le détail et l'attention portée à la vie intérieure d'une femme qu'Alice McDermott saisit les enjeux de la mémoire, et accompagne son héroïne dans sa quête d'absolution.
Alice McDermott est née à Brooklyn en 1953. Ses nouvelles ont notamment été publiées dans le New York Times, le New Yorker et le Washington Post. Elle est l'auteure de huit romans, dont six ont paru à Quai Voltaire : "Charming Billy" (1999), qui a obtenu l'American Book Award et le National Book Award, "L'Arbre à sucettes" (2003), "La Visite à Brooklyn" (2006), "Ce qui demeure" (2007), "Someone" (2015) et "La Neuvième Heure", prix Femina étranger 2018. Sa nouvelle "Jamais assez" est parue en 2020 dans la collection "la nonpareille". Alice McDermott vit près de
Washington. -
« En quarante-trois ans de journalisme, je suis parti en reportage, j'ai enquêté, écrit des analyses, édité des articles, mais ce que j'ai le plus aimé, ce sont les rencontres. J'ai fait quelques centaines d'entretiens avec des hommes politiques et beaucoup d'intellectuels, mais les plus singulières d'entre elles demeurent avec des artistes et des écrivains. »
Journaliste depuis le début des années 80 à Libération puis au Nouvel Observateur, François Armanet revit les cinquante rencontres qui l'ont le plus marqué. Au fil des ans, on croise des écrivains (Jim Harrison, Toni Morrison, John Le Carré, Salman Rushdie...), des figures du cinéma (Jean-Luc Godard, Jackie Chan), du rock français (Serge Gainsbourg, Françoise Hardy, Alain Bashung...) et anglo-saxon (Madonna, Bruce Springsteen, Patti Smith, Mick Jagger...). D'un portrait à l'autre, il nous plonge dans l'intimité de moments singuliers au bar du Ritz, à bord du Concorde, à la pointe des Cornouailles, sur un plateau de cinéma à Hong Kong ou sous le pont de Brooklyn. Le tout témoigne d'un monde en voie de disparition qui dessinerait, dans ses goûts, ses questions, une sorte d'autoportrait de l'intervieweur. Ou le roman d'un journaliste.
François Armanet est chroniqueur au Nouvel Observateur dont il a été rédacteur en chef. Il est l'auteur d'une dizaine de livres, parmi lesquels quatre romans, dont Kung-Fu (Grasset, 2007) et Les Minets (Stock, 2019). Il est également le réalisateur de deux films, La Bande du Drugstore (Berlin, 2002) et Haut les filles (Cannes, 2019). Avec Élisabeth Quin, il a publié en 2022 Le détail qui tue (Petit précis de style de Marcel Proust à Rihanna) chez Flammarion. -
En 1984, deux jeunes frères exilés aux États-Unis retournent au Guatemala, au coeur de la forêt de l'Altiplano, participer à un camp pour enfants juifs où les envoient leurs parents afin qu'ils n'oublient pas leurs racines. Mais un matin, réveillés par des cris sous leurs tentes militaires, les enfants découvrent que le camp s'est transformé en une chose bien plus sombre.
Dans ce nouveau pan du roman en mouvement qu'est l'oeuvre d'Eduardo Halfon, le narrateur revient à un épisode de son enfance dans le Guatemala complexe et violent de la guerre civile ; un épisode dont les raisons et les ramifications ne commenceront à s'éclaircir que des années plus tard, au fil de rencontres fortuites - à Paris avec une lectrice de Salinger devenue avocate, ou à Berlin avec un ancien instructeur du camp, aux yeux d'un bleu changeant, qui se promenait avec un serpent dans la poche et une énorme tarentule sur le bras. Entrelaçant passé et présent, réalité et fiction, Eduardo Halfon tisse un récit dense, foisonnant de symboles, pour toucher du doigt les fondements de son identité, cette maison dont il a toujours cherché à s'échapper : le cadre strict et rigoureux de la religion juive et le giron enveloppant et maternel du Guatemala. -
Zoo
En ce temps-là nous lancions des cacahuètes aux petits singes du zoo de Vincennes. C'était un temps de fête. Il n'était pas interdit de nourrir les animaux sauvages. Nous n'avions que peu de décors pour la mise en scène. Les allers-retours du prêteur sur gage n'étaient pas difficiles à suivre. Qui n'a pas vécu dans les années voisines de celles-là ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre.